Publié le par Hélène R. dans les rubriques Dérivations existentielles, Poésie, Prose

No puedo dormir.

Nous n’aurions rien pu défaire si nous avions eu plus de temps, nous aurions continué à fuir notre passé d’erreurs, à ne pouvoir changer qu’aux yeux de ceux qui nous oublient puis nous revoient, nous aurions cru déjà avoir failli, au cruel jeune âge où naît le désespoir. Non, rien n’aurait été différent au-delà de la fin du chemin, il y aurait toujours eu en notre sein ancré, le poids de nos remords allégeant nos paupières la nuit, quand les moins ambitieux s’endorment tranquillement, nous nous serions encore laissés glacer par nos tourments. Et bien que la vieillesse dit-on nous fait comprendre ce qui fut de l’amour et ce qui fut du rien, c’est trop tard qu’elle nous parle parce qu’elle sait que la mort bientôt volera nos âmes sans pitié pour nos peines, elle annoncera la fin de tout ce qui pour nous paraissait immortel, et pour la première fois, quand nous saurons enfin ce qu’il fallait apprendre, les mots qu’il fallait dire, les gestes qu’il n’aurait jamais fallu retenir, alors nous disparaîtrons comme disparut notre innocence aux premiers jours, nous naviguerons en vaisseau de poussière retournant à la Terre, rejoignant sa mémoire, nous n’existerons plus.

photo. Hélène Ruchon