Publié le par Hélène R. dans les rubriques Amour, Dérivations existentielles

Qui ne dit mot se tait.

£ : Tu sais -je peux te tutoyer ?- je n’ai pas choisi d’être comme ça, quelque part ce sont eux qui m’ont façonnée ainsi. Les chaussures boueuses, l’invitation lascive et la mémoire salie. J’ai cru pouvoir les aimer mais ils m’ont tous trahie, je les ai écoutés, j’ai ouvert mes jambes, j’ai ouvert mes bras mais ils n’ont rien compris, jamais ils ne comprennent.

¤ : Vous savez -je préfère qu’on s’en tienne au vouvoiement- je crois que vous vous positionnez ici hâtivement en tant que la victime, mais laissez donc tomber les chapeaux que vous leur faites porter, et soyez maîtresse du rôle que vous souhaitez endosser. Vous êtes responsable jusqu’à mi-chemin, comme ils le sont partant de l’autre côté. Nos choix sont traduits par des actions qui engendrent des conséquences, et vous n’échappez pas à cette règle, quel que soit le niveau de marginalité que vous pensez incarner.

£ : Mais est-il inconcevable à tes yeux que la logique ne s’applique pas à tout et que les maux de ce monde soient seulement l’œuvre des tyrans ? La soumission ne découle pas forcément d’une volonté propre, elle est parfois guidée par la peur ou l’intimidation, et bien souvent suivie de remords. Les rapports de force sont présents partout et il suffit souvent d’un instant de faiblesse pour plonger corps entier dans le feu.

¤ : Alors tu -vous, pardon- vous avez aveuglément confiance en la bonté humaine, quitte à sombrer face à vos propres contradictions ? Quelle absurdité. La confiance c’est un pari risqué, et vous semblez l’accorder aussi simplement qu’un bonjour, puis vous vous étonnez qu’on piétine vos avances. La naïveté n’est qu’une insulte lancée à la complexité du monde, et le grincement de vos plaintes est tel le gémissement des portes qui claquent devant vous. Réveillez-vous voyons ! L’insouciance est périssable, au même titre que votre rêve d’harmonie entre les hommes ; il est des illusions dont il est préférable de se débarrasser.

£ : Mais vous oubliez la poésie, vous omettez l’amour ! La confiance n’est-elle pas le plus beau cadeau que vous puissiez faire à autrui, afin qu’il s’ouvre et se découvre d’une nouvelle manière avec vous ? Sans prémices d’une confiance accordée dans une simple gratuité, les rapports entres les hommes se noient au fond des conventions et de la banalité, les nœuds sont lâches, les mots masqués. Voyez-vous, ce monde-là ne m’intéresse pas, car un monde dénué d’amour et de cruauté est un monde sans surprises.

¤ : Alors pourquoi vous plaindre. Si les hommes sont entiers, ne vous procurent-ils pas votre lot suffisant de surprises ?

£ : Les hommes ne sont justement pas entiers. Ils agissent en fonction de ce qu’ils souhaitent obtenir de vous en retour, ainsi ils ne sont ni bons ni mauvais, mais seulement différents de ce qu’ils sont réellement au fond d’eux. Mon inconcevable utopie telle que vous la moquez, serait de réintégrer à la parole des hommes leur vérités, que cesse le jeu malsain entre gagnants et perdants et que nous soyons individus et plus jamais objets.