Publié le par Hélène R. dans les rubriques Amour, Mémoire du corps

Rentrons dans le vif.

Des marques, c’est tout ce que ça laisse. Des marques de griffures rouges dans le dos, des tâches de morsures rouges dans le cou, comme le sang qui coula la première fois, comme on a pu s’imaginer ses larmes chaque fois que le souvenir douloureux les a fait couler. Parfois dès le lendemain, d’autres des mois après, mais toujours la même sensation de s’enfoncer un peu plus encore dans une spirale étouffante. Des courbatures aussi et des bleus, parce que pourquoi perdre son temps à être tendre avec un corps s’offrant si facilement ? Et le goût amer de l’alcool sur nos lèvres asséchées, des odeurs souvent, comme une puanteur coutumière dont on ne parvient plus à se déshabituer, des images très peu et dans le fond c’est mieux ainsi, puisqu’il faut au plus vite oublier, afin de laisser chaque fois place vierge aux prochaines envies irrépressibles. On a beau se dire plus jamais, on sait bien qu’il n’y a plus rien pour nous sauver de cette addiction délicieuse et destructrice ; de l’amour en doses rapides et beaucoup de regrets. Il suffit de se servir quelques verres et de battre des cils, souvent tes mots refusent mais ton corps est plus faible, une fois – et c’est une fois de trop – les yeux disent non mais l’adversaire l’emporte, il est encore plus faible que toi, peut-être ne t’a-t-il même pas entendue crier dans sa détresse. Et ta mémoire cette alliée te berce dans un confortable déni, un oubli contagieux que tu désespères de voir se propager sournoisement dans l’esprit de tes plus fidèles confidents. C’est ce mot si terrible que plus personne ne souhaite prononcer à voix haute, ce sont ces détours ridicules pour en parler qui amenuisent peu à peu l’envie de te confier et la confiance courageuse qui tu pensais, parviendrait à te sortir de ce mauvais pas. Ce mot tu en viens à le haïr, il devient plus tabou que l’acte lui-même car il te rend muette face à l’horreur que tu voudrais hurler. Tu pourrais t’en plaindre nuits et jours s’il n’était pas terrifiant de le laisser s’échapper de ta gorge serrée, sans la connotation honteuse qu’il entraîne malgré lui tu serais presque libre ; c’est un mot adéquat pour décrire une telle violence mais sa laideur est si difficile à assumer, même pour toi. Pourquoi faut-il aujourd’hui que les gens aient peur de s’aimer ? Pourquoi faut-il qu’ils se perdent dans des rapports si rapidement intimes qu’ils en deviennent insignifiants ou forcés ? C’est parce que la vie a perdu de sa saveur à nos yeux, nos croyances se sont noyées dans un océan de fierté, il nous est impossible croyons-nous de revenir en arrière et pourtant chacun en son cœur blessé espère. Un jour peut-être quelqu’un se penchera plus attentivement sur ta personne, peut-être même seras-tu sobre à ce moment-là et il te récitera ses malheurs fortuits ou volontaires et il écouteras tes déboires, sans jamais y apposer le moindre jugement. Vous panserez mutuellement vos plaies et oserez-vous aimer jusqu’à la fin des temps. Mais encore faudrait-il que lorsque ce jour merveilleux arrive tu puisses marcher droit, que tu n’ouvres pas trop vite ton cœur sur des banalités dont d’ailleurs tu te fous, que la chaleur dans ton bas-ventre n’influence pas l’issue du combat et qu’au réveil tu te souviennes du chemin parcouru. Encore faudrait-il… L’acte sexuel est loin d’être un accomplissement s’il ne prend pas place dans un environnement de respect et de plaisir, qu’il soit si facile à atteindre n’est pas la source des maux qui nous hantent, mais simplement qu’il soit devenu aussi impersonnel et anecdotique. Il est trop souvent la focalisation ultime d’une nouvelle relation humaine et toute la courtoisie qui l’entoure n’est que ruse pour parvenir finalement au moins précieux des trésors, une pantomime instable, des éclats de voix monotones, un ennui à peine masqué et des yeux fermés. Une satisfaction insuffisante et des doutes perpétuels, bien qu’on devienne de plus en plus doués dans l’art de les faire taire, et un sommeil troublé. Tout cela n’est pas le modèle d’une vérité constamment valable, mais représente cependant un nouveau pas récurrent vers une vie fade, emplie d’égarements nocturnes, nous laissant toujours plus seuls et aveugles face à la vraie beauté d’autrui.