Publié le par Hélène R. dans les rubriques Amour, Mémoire du corps, Poésie, Prose

Ne me quitte pas.

L’amour. Sentiment trop vaste pour être précisément défini, assimilé ou maîtrisé. Un poison qui s’insinue doucement, qui nous endort le soir avec de belles chansons qui parlent toutes d’après. Tu verras après tout ira mieux, ce n’est qu’une mauvais passe, une idiotie, un détail, un rien sur lequel on souffle naïvement et qui s’envole ailleurs, qui se cache, qui a froid, qui se rit de l’oubli. Une concoction savamment dosée, ainsi on ne sort qu’à demi-triomphant de chaque affrontement et la défaite se répand lentement aux rebords de nos yeux. Tant des siens que des miens. Peut-être aussi un vent léger, s’essoufflant vieillard avant l’heure, les articulations grinçantes comme une moquerie. Souffle conciliateur, émanation de saveurs pimentées, excitantes, attrayante, émouvantes, engageantes… explosion d’un désir affolant, palpitant, séduisant, troublant et provoquant. Un peu comme l’idée qu’on se fait du bonheur, une euphorie éternelle, quelle méprise navrante. Sensation d’une mise en liberté sans condition qui nous aiguille vers le trépas, nous abandonne amers et découragés sur le bord de la route. Sous l’orage grondant, s’époumonant, gueulant qu’il faut garder espoir, le laisser pénétrer dans une cuirasse miteuse, rompue jusqu’à la moelle, corrompre la dépouille en l’assurant de sa splendeur. Et replonger. Des bulles c’est ce qu’on fait de mieux, accroupi dans l’alcool, amnésie volontaire alimentée machinalement, priant pour que la bouteille nous tienne jusqu’au petit matin. Saveur insensée d’un regard insoupçonné, proche de l’étourdissement on renie de vieilles promesses faisant office d’armure contre le diable, se sentir renaître ça n’a pas de prix. Et hier la vie que nous traitions de pute, nous nous laissons aujourd’hui engloutir en ses seins, calmés par la chaleur et les battements exaltés d’un cœur libre. Énigme dont découleront des vérités équivalentes à des croyances intimes, addiction effrontée contre laquelle on se sent las de batailler, offrez-moi un baiser, peut-être un autre demain, soyez-moi étranger pour que je m’empresse de vous courir après. Batifolage dégradant. Il n’y a qu’en pleine lumière que nous sommes en mesure de deviner celui qui nous fortifiera, qu’à travers une sobre lucidité que nous pouvons nous ravir d’avoir eu continuellement tort ; un béguin au parfum délicieusement neuf, un embryon d’amour. Alors on ébauche les contours, on fait place à l’audace, le corps discrètement timide aux caresses, les mots craintifs et confus et l’affirmation hésitante, pas question de mordre la poussière, on se glorifie d’avoir retenu la leçon. Absurde théorie. A bâtir des remparts on se désintéresse de l’ennemi, d’emblée aveugle et sourde, dispositif infaillible pour entretenir la solitude de deux être qui ont tant à s’offrir dans le fond. Au fur et à mesure du temps qui passe les barrières s’estompent progressivement, trop lentement au goût de l’autre, mais voguant sûrement vers la confiance et la fiabilité. Doute instable et concurrence accidentelle, le couloir qui mène à l’équilibre est sombre, angoissant, pas infranchissable pour autant. Couper à travers champs, abandon faible et cassant, survie d’une tendresse douloureuse. Nous pouvions encore vivre à l’excès mon amour.

Nous aurions pu construire un amour béat et harmonieux, regorgeant de sursauts, grouillant d’ardeur et de passion. Caprice vain, ivresse gâchée. Dévastation, désolation.

Un adieu mi-consentant, exempté de larmes,

Je t’aimerai jusqu’à ce que je ne t’aime plus.