Publié le par Hélène R. dans les rubriques Amour, Dérivations existentielles, Mémoire du corps, Poésie, Prose

Muse

On reproduira nos erreurs à l’infini, on se plongera l’un dans le corps de l’autre et déjà il sera trop tard quand on aura atteint le cœur, il n’y aura pas de retour en arrière et on jouera à tous ces jeux menteurs où l’un des deux à la fin meurt. On sera prêts à se détruire pour un peu de chaleur intérieure, qu’on appellera sexe par pudeur par tous les mots sales qu’on nous a légués pour raconter nos désirs, toujours plus malin que la cible, toujours le premier à en avoir fini. Si tu n’es rien pour moi c’est parce que je le décide, faveur complice dans la lâcheté et la maîtrise de nos impulsions romantiques, l’amour le vice, allongés face à la voie lactée, je sens tes doigts descendre entre mes cuisses et mon souffle gémir. On se reconnaîtra dans des regards tacites, gamins éperdus de liberté, perdus pour l’heure sur le sol anthracite les mains à la recherche d’un peu d’humanité, d’une peau, d’une âme, d’une unité, on se façonnera un départ unique certains de pouvoir plus tard en réchapper, mais tout a déjà été fait et je sais que l’on sera un jour punis, je sais, plutôt mourir que de ne rien tenter.

On s’enfuira le plus près possible de notre déni, on s’inventera des causes louables pour nous pousser à reproduire le lien social, des sourires lisses, mais à moi je ne sais pas mentir et je ne pense qu’à ton torse et aux tracés que mes mains ce soir y esquissent et j’entends encore le son de ton rire détaché dans la nuit quand je m’en retournais ivre vers ma solitude infernale. Conduite irréprochable n’est pas inscrite dans mon programme, si tu veux bien me suivre je te ferai la leçon le soir, on jouera cartes sur table, ton déguisement pourra rester dans ton cartable et on s’écoutera jouir, dévoilant nos parts animales, découvrant nos corps de primates, plaisirs faciles quand le relâchement des chairs est total. On parlera aussi assis seuls dans l’intimité des draps et assagis par nos orgasmes, on se confiera sur nos vies, sur toutes les injustices qui ont fait nos apprentissages, qui nous ont vu grandir mais dont personne autour de nous n’entend vraiment toute la portée géniale. On se tiendra à distance et proches à la fois, sûrs de maintenir un équilibre, mais le contrôle n’existe pas.

Et au final au fil des jours qui auront fuis, on n’en gardera pas de souvenir mémorable de cette chute inévitable, c’était le risque. Nos émois n’ont pas su nous retenir, d’humeurs instables, c’est souvent plus simple d’en pleurer que d’en rire. Et c’est minable de se nourrir d’espoir au bras de l’alcoolisme, mais c’est ainsi, parfois plutôt poursuivre une fable que de seul affronter l’ennui, plutôt s’ouvrir le cœur affable que de seul affronter la nuit.

Et au final, c’est toujours une histoire d’exil, loin du passé, loin du miroir dans lequel nous nous contemplâmes, honteux, débiles d’avoir voulu sauver notre âme au travers d’un autre incompris et c’est le drame, qu’au fond nous sommes deux incompris anonymes, à la poursuite de nos fantasmes, une pierre sur les épaules pour échapper au suicide. Lamentables ou sublimes, bien incapables de savoir seuls nous définir.

C’est l’histoire de deux êtres humains qui atteignent des hauteurs puis tombent au ralenti.
Ce sont deux films qui se rencontrent et j’ai bien peur que ça soit encore qu’une entente impossible.

photo. Lilly Formaleoni