Publié le par Hélène R. dans les rubriques Dérivations existentielles, Prose

Message personnel

C’est donc cela s’adapter. Renoncer à ses rêves de jeunesse, -du moins ceux qui faisaient doucement sourire nos parents autrefois, ou encore ceux qui les faisaient grincer des dents-, les rêves fous dont nous avons déjà écrit les milles scénarios tous plus frais et excitants les uns que les autres, les espoirs des marginaux. Toutes nos plus belles envies rendues muettes ou menacées fortement, celles d’évasion, de liberté et bien souvent d’une solitude tranquille, d’un repos parfois morbide mais loin de tous les jugements ; tout pour ne pas finir comme ces gens qui errent dans les rues, le visage marqué par les remords et les yeux même trop secs pour pouvoir encore pleurer. Nous avons peur de prendre à nouveau cette parole aujourd’hui, nous l’enfouissons sous des discours qui sonnent désormais juste à nos oreilles, mais qui dans le fond nous le savons, ne nous ressembleront jamais. Nous nous plions après avoir si fièrement combattu, avec tristesse parfois, mais avec cette conviction erronée selon laquelle nous ne serons satisfaits de nos vies seulement après avoir lâché du lest, qu’après avoir fait un tri dans nos rêves de gamins. Faire ce tri est très largement une erreur. Ce qu’il se produit en vérités c’est que lorsque nous nous adaptons, même légèrement, nous laissons les idées reçues s’introduire en nous lentement jusqu’à ce qu’il nous semble qu’elles soient filles de notre esprit et non des membres passifs de cette société, non-partisans de la liberté des hommes par manque de temps ou de pans d’âme encore vierges de toute lassitude, conscients qu’une existence loin de toute originalité révoltée est plus facile à atteindre et bien plus confortable aussi. Ainsi nous nous fondons peu à peu un peu plus dans la masse, parce que le monde alentours nous amène à douter de nos idées et à ressentir ce sentiment aussi improductif que déchirant qu’est la culpabilité. Après tant de paroles sévères et décourageantes, nous finissons par croire en un autre bonheur moins romanesque certes, mais mieux intégré dans les esprits de ceux que nous souhaitons secrètement impressionner, et menant à un avenir tellement plus rassurant. Mais en quoi le sacrifice de notre liberté sera-t-il préférable finalement, dirons-nous « J’ai bien vécu. Je suis passé à côté de tant de choses je le sais, mais j’ai vécu tranquille. », Aurons-nous ce toupet, ferons-nous ce pied-de-nez à ce voyage merveilleux qu’est la vie en fermant à tel point les yeux sur notre bêtise bornée ? La société nous dicte que pour être bon il faut s’abandonner pour des causes qu’il faut se forcer à soutenir, pour des paroles mensongère qu’il nous faut croire aveuglément, pour des principes de savoir-vivre qui prônent hélas bien trop souvent la haine, mais dont le camouflage maladroit nous suffit à ouvrir grand la bouche, afin de nous entraîner à copier les discours les plus répandus et à laisser notre âme au vestiaire. À tous cela répondons non, quitte à nous mettre des êtres chers à dos. Je ne veux pas me réveiller de toute ma fatigue qu’aux derniers instants de ma vie, je veux que chaque moment passé sous le ciel soit vécu par une évadée. Trouvons la force d’avancer sur la voix qui nous semble la plus juste, et que nous nous en trouvions désolés pour nos proches il en est hors de question. Cependant je ne cesserai de prier pour que toujours ils connaissent l’amour des autres, la curiosité et la tolérance, qu’ils ne se perdent jamais trop longtemps et qu’ils profitent du moment présent. Je leur souhaite de mourir plus que satisfaits.