Publié le par Hélène R. dans les rubriques Dérivations existentielles, Prose

Full Circle

C’est pas facile d’accepter qu’on n’est plus malheureux, plus pour cette chose précise, mine de crayon coincée dans nos artères, souvenir en beau costume mais corps sans vie à l’intérieur ; le passé retourne à la terre puis vient nourrir nos racines. Dire adieu à la peine qui nous avait accompagnés si fidèle, la laisser s’effacer et continuer à grandir même sans elle, même si elle n’est plus vérités, elle l’était. Il est temps de dépoussiérer nos étagères, le bibelot fêlé qu’on admirait à la flamme d’une bougie, qui réveillait en nous des ardeurs de guerriers et nous transportait dans des aventures d’un avenir meilleur, d’un espoir inarrêtable et dans la pureté des larmes, en torrents salés sur les joues. Il est temps d’oublier et de laisser place aux phrases qui nous accordent désormais, de ranger l’autre rive dans un tiroir fermé étendue de désert où les réminiscences errent jusqu’à disparaître en secret. Remercions la vie de nous avoir faits nous rencontrer à grands coups d’éclats de rires et de mots partagés, remercions ces autres qui nous ont écoutés, tant de mots prononcés qui s’envolent aujourd’hui dans de lointains espaces de liberté. Libérés des paroles infernales qui maintiennent l’existence dans un faux état de peurs et d’insécurité, subsistent encore les sentiments, l’amour, les récits de voyages, l’amitié, subsiste tout ce qui vit, tout ce qui n’est pas mort et qui mérite d’être encore cultivé, touché, pétri, embrassé, parce qu’il y aura toujours ces choses qui feront qu’on voudra pas crever.

Impardonnée qui s’empoisonne à ne vouloir qu’être médiocre, demeure de sable abandonnée s’égraine au vent les grains s’envolent, que reste-t-il sur le rivage qu’une ombre folle, dont on perçoit dans le lointain l’écho discret d’une âme aphone.