Publié le par Hélène R. dans les rubriques Amour, Dérivations existentielles, Poésie, Prose
Que savons-nous de la peine des gens ? Des photos en soirées dans les bars, des rencontres enfermés dans l’angoisse que l’autre puisse vraiment nous voir, on s’interdit de dire les vérités qui nous enserrent l’œsophage de peur qu’elles nous trahissent, on voudrait si souvent faire croire que l’on est invincible. Qu’elle est belle, qu’il est bon d’écouter ses paroles et de rire, tant qu’on s’amuse et que rien n’a de sens, mais si soudainement on se perd à se parler de tout ce qui se trame à l’envers du barrage, et si d’un coup sec on arrache le pansement qui masquait nos cauchemars, alors on perd, alors on se dévoile tel un être triste et bizarre en besoin d’attention. Je ne veux surtout pas que tu me racontes ton histoire, je ne veux pas savoir qui sont ces gens dont les squelettes pendent dans ton placard, je ne veux pas être mêlé à ça, car moi je suis normal, oui moi je suis normal, tellement banal, je suis fier d’avoir enfin compris que la vie punit les passions, que la désillusion se cache derrière toute ambition, qu’il faut être soi-même mais enveloppé d’un voile, qu’il faut être normal, oui tout à fait normal. Je te dis que je t’aime et tu me demandes pourquoi, je te racontes mes rêves mais tu me parles de mon travail, je veux m’endormir près de toi mais déjà tu te lèves, je ne suis qu’une enfant qui se plaint de s’être brûlé la main juste après l’avoir plongée dans les flammes. Tu te demandes pourquoi si je connais la douleur, pourquoi diable j’y reviens, je ne sais pas j’aime le goût qu’elle me laisse j’imagine, parmi tous mes souvenirs, ils sont de ceux que je retiens, j’ai éprouvé le bonheur, enduré le chagrin, j’utilise toutes les couleurs sur ma palette quand je peins. J’expérimente, j’essaie de faire la course même si je sais que je ne gagnerai pas, j’espère tomber, j’ai toujours mieux appris en me relevant. Tu me vois pleurer ça t’exaspère de me voir me baisser aussi bas que la terre, je ne suis pas une victime je devrai lever la tête pour atteindre le ciel, mais j’aime le bruit des insectes qui fourmillent sous mes pieds, et j’ai toutes ces voix dans ma tête qui m’empêchent d’oublier, je ne peux pas redevenir vierge, je compose avec les erreurs du passé comme ceux qui savent encore d’où ils viennent, pas comme ceux qui se renient imbéciles au lieu de s’accepter. J’écris ces mots d’une traite pour mettre fin au contrôle que je m’impose parfois, je m’en fous, je veux seulement rire, manger, m’enivrer, danser dans la pièce, recevoir et donner de l’amour à ceux et celles qui existent encore après toutes ces années. Je m’en fous finalement si je t’embarrasse, c’est que de mon propre embarras je suis débarrassée, je me sens à l’étroit, entravée d’un soutien gorge ou d’une ceinture, et quoi si je veux prendre tout l’espace, si je le fais c’est que je t’y invite aussi, prend ma main, crie ton nom et jetons-nous de la falaise, la mer est froide et profonde, elle grouille de tant de recoins et de merveilles à découvrir, la mer est belle et fatigués, nous pouvons toujours nous arrêter parfois en surface pour laisser le soleil nous réchauffer. N’aies pas peur, il y a du temps, n’aies pas peur tu n’es obligé de rien que de vivre, alors ne gâche pas tout en restant immobile. Aime, hurle, cours, renifle, déterre, rêve, tombe, relève-toi. Aime, jouis, pleure, chante, cogne, vibre, déploie tes bras comme un oiseau. Aime, respire, dévore, danse, chavire, retrouve ton cap. Aime, vis, délire, dévie, et n’aies pas honte de suivre ce que tu crois être ta voix. Qu’on ait tort ou raison, quelle importance, il n’y a que l’appel du cœur qui compte et tant qu’il bat.