Publié le par Hélène R. dans les rubriques Dérivations existentielles, Poésie, Prose
Love Letters
Se rassurer, s’insinuer entre les monts infranchissables, se figurer la vie plaquée au sol, frigide et sans surprises, être en sécurité et s’en convaincre. Taisons-nous, oublions la majesté aventureuse qui nous liait autrefois, vivons muets et conciliants, soyons finalement consentants. Égrainons notre temps sans économie face à des écrans, rêvons le moins possible et surtout dans la même direction, tous ensemble dans la même direction. Allons voter, sauvons le monde par prélèvements, éludons la question des arbres et de l’air manquant, des hommes déments qui font couler le sang et surtout cachons-nous pour pleurer, pour crier, pour maudire notre misérable routine, surtout pas un mot, tu comprendras quand tu seras grand, quand tu seras ivre, quand tu seras vieux, quand tu seras mort.
Si tu as peur je comprends.
Tu veux partir, pour aller où ?
Et pour combien de temps ?
Tu veux t’enfuir, pour trouver quoi ?
Et s’il n’y avait rien de plus là-bas.
Et pourtant il y en a qui s’en vont, sans trop prévenir ils prennent un train, un avion, déploient leurs ailes et prennent le large pour de bon. Ils ont vaincu le grand dragon de la culpabilité, ils sont montés sur l’estrade et maîtres de leur destin, lui ont inculqué la liberté. La solitude afin de réapprendre l’amour et le voyage pour semer les cailloux qui nous tranchaient la peau ; le silence pour mieux apprécier la musique et le bonheur partout, tant qu’on n’y croyait plus. Le réveil de l’âme passe par le ravissement des sens, la satisfaction des envies curieuses face à la vie, le refus, les amis, la patience qui tend vers l’infini et l’amour sans cesse partagé.