Publié le par Hélène R. dans les rubriques Dérivations existentielles
Shaman
À ma naissance, je serai un canard aux plumes bleues, aux plumes lisses, j’aurais mué et ma peau toutes en coupures et crevasses aura disparu. Demain, je partirai en mer le cœur serein, la chaîne dissoute par le sol amer marin ; plus rien que le présent ne me maintiendra légère, noyée une fois, deux fois, trois fois, l’océan en me tirant vers son fond m’aura aussi nettoyée. Je voguerai sans chagrin, car la misère d’un homme lui découd les paupières et il faut l’en remercier, sans elle l’existence ne ressemble qu’au train où vont les choses de peur de dérailler ; croyances solides et appétits avides, celui qui croit savoir oublie d’apprendre et finit par ignorer qu’il est seul oui, mais parmi des milliards, qu’il attend qu’on se dresse devant lui seulement pour écraser l’adversaire, seul aussi lui, parmi tous ces révoltés qui s’esquintent la pensée à force de n’être entendus. Ton amour c’est le sien, ta colère c’est la sienne et ta peine ne crois pas que c’est elle qui t’a scié les jambes, ne crois pas que ce sont eux qui t’ont forcée à déposer les armes, genoux à terre la peau mouillée de larmes ; c’est toi qui a choisi de peindre ainsi tes lendemains aux couleur de la peur et du renoncement, c’est toi qui a voulu te terrer en enfer parce qu’il y faisait chaud. Relève-toi ! Comment crois-tu qu’ils ont fait tous ces autres pour se sentir vivants après la mort ? Ils ont revêtu leurs plumes et ont laissé passer la pluie sur leurs ailes, ils ont souri au ciel et l’ont remercié d’être en vie. La résilience, c’est l’art de survivre
Photo. Hélène R.